Il ne se passe pas un jour ou presque sans qu’un nouveau drame maritime ne survienne au large de la Méditerranée. Les victimes sont des jeunes migrants, tant bercés par des illusions de l’Eldorado. Leur rêve d’une vie meilleure, loin de la misère, les envoie à la mort au quotidien. Combien de fois a-t-on assisté à des cas de naufrages en haute mer, regrettant ainsi un bilan funeste assez alourdi? Au point qu’on n’arrive plus à recenser les pertes en vies humaines.
La Tunisie, dotée de 1.300 km de littoral, s’érige-t-elle en vaste couloir de migration clandestine, où le trafic des personnes a bel et bien le vent en poupe ? Aussi, les passeurs font-ils la loi. Le problème est-il sécuritaire ? Le phénomène semble beaucoup plus complexe que ce que l’on croit. La prédisposition des jeunes à mourir laisse pantois. Pris au dépourvu, les rescapés de la mort ou ceux ayant échappé au contrôle de nos gardes-côtes n’ont jamais lâché prise. Ils récidivent, ils refont la même traversée de tous les dangers. Pleins d’espoir, ils sont partis chercher ailleurs ce qu’ils n’ont pas trouvé ici: changer leur vécu et trouver, tout bonnement, un emploi décent. Certes, des ambitions légitimes qui auraient pu être facilement réalisées sous nos cieux. Mais, la crise de confiance à l’Etat et à ses institutions a fait sentir la déception. D’ailleurs, une grande majorité de Tunisiens ne voient plus le bout du tunnel.
Quelle jeunesse, quel avenir ?
L’on entend toujours parler de patrouilles maritimes, d’embarcations interceptées, d’opérations de secours et de sauvetage, sans jamais penser agir en connaissance de cause. Et les mêmes drames se reproduisent, dans la passivité totale. Aucun gouvernement n’a bougé le petit doigt. L’on est en droit de remettre sur le tapis cette question multiforme, afin d’y apporter une solution globale tenant compte du contexte national et des principaux besoins de nos jeunes. Et le message de la Tunisie adressé au sommet 2018 du Forum-Moyen Orient-Méditerranée à Lugano, en Suisse, semblait porter, en lui-même, une réponse à la question. «La jeunesse, c’est le réservoir de l’élite et si notre pays a un avenir, ce sont bien les jeunes qui vont le faire». D’où il y a lieu de préparer nos jeunes aux responsabilités qui les attendent. Cela dit, à moins que les jeunes aient confiance en leur pays. Voilà, un mot d’ordre qui fait encore défaut.
Parlons-en ainsi, cette jeunesse serait le dépositaire de l’avenir du pays. Avec tout ce que cela exige de lui baliser la voie et l’initier au compter-sur-soi. Mais, ce n’est qu’une demi-solution, pour ainsi dire. Car on ne doit pas oublier les recommandations du fameux congrès du dialogue avec les jeunes dont l’objectif était de mettre en place une stratégie intégrée de la jeunesse tunisienne à l’horizon 2030. Le souci déclaré de Majdouline Cherni, alors ministre de tutelle au gouvernement Chahed, était, à l’époque, l’emploi en priorité. Depuis, on ne voit rien venir. Le statu quo persistant! Paradoxalement, la situation a empiré : structures de la jeunesse mal en point, taux élevé du chômage (à plus de 15%), abandon scolaire à raison de 100 mille élèves chaque année, délinquance juvénile aggravée de violence, de criminalité et de consommation de drogue.. Autant dire, nos jeunes sont à bout de souffle, les horizons étant devant eux encore flous.
L’Europe remâche le même discours !
De quoi demain sera fait? Comment peut-on réconcilier les rapports Etat-jeunes ? Du reste, la migration irrégulière ne peut, en aucun cas, être une fin en soi. C’est plutôt pour eux un passage obligé censé leur redonner satisfaction. Un semblant de raccourci qui les conduit à des ambitions dont ils se sentent longtemps privés. C’est pourquoi ces jeunes désœuvrés, et complètement livrés à eux-mêmes, voient dans la migration une solution. Ce qui n’est pas évident. A preuve, combien de Tunisiens sont, jusqu’ici, coincés à l’étranger dans des autres de rétention ? L’Europe n’est pas l’Eldorado, d’autant plus que la droite extrémiste s’y est toujours proclamée raciste et ostentatoirement hostile aux questions migratoires. L’Union européenne semble, elle, jouer le tour, ménageant la chèvre et le chou. On a l’impression qu’elle préfère, souvent, la politique du laisser-mourir à celle de l’ouverture et du bon voisinage. Elle veut que l’on soit à sa merci, ses gardes-côtes tout simplement. Avec en contrepartie un simulacre d’appui au développement. Où est passé le milliard d’euros promis, en guise d’aides, aux pays du Maghreb dont la Tunisie ? Qu’en est-il de l’accord bilatéral tuniso-italien visant à organiser la question migratoire de manière à répondre aux besoins du marché de l’emploi en Italie ?
Pas de solutions toutes faites
On n’importe guère les solutions toutes faites. Il faut penser local. L’ex-ministre de la Défense, Abdelkrim Zbidi, a pointé du doigt l’insuffisance du cadre juridique relatif à la migration et la non-application de la loi en vigueur sur cette question. Autant dire, combler le vide juridique et changer les lois non conformes aux conventions internationales ratifiées par la Tunisie. A ce sujet, la société civile nationale, elle, a toujours milité pour une approche globale du phénomène. Cela dit, une conjugaison de tous les efforts, à même de mobiliser tous les moyens susceptibles de faire de nos jeunes la finalité de toute œuvre de développement intégral. Les rendre de vrais dépositaires de l’avenir.